" Soyez Passants " - Evangile selon Saint Thomas

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11/09/2009

Dans ma vie aujourd'hui

Aventure du jour :


J'étais dans la rue, j'allai d'un pas pressé car en retard pour un rendez-vous. Je suis abordé par un monsieur, la 40aine, avec peut-être un air désorienté. Il engage la conversation et puis très vite me demande de l'argent.

Je ne sais pas pour vous mais moi, Cela m'arrive de plus en plus souvent, hélas. La réalité des défavorisés de la vie d'aujourd'hui, de la detresse, des fragilisés de la crise est bien là. Il m'est devenu difficile de l'éviter. Difficile dans le sens où je ne veux pas vivre ma vie en lévitation dans un nuage; fait partie de l'eveil l'exercice d'un regard lucide sur TOUT ce qui m'entoure.

Le détachement n'est pas synonyme de déni. Je ne cherche pas ces situations pénibles mais ne désire plus les fuir quand elles s'imposent à moi.

Alors j'écoute. Il me demande de l'aide pour acheter des médicaments à une pharmacie pour son bébé. Je cherche des pièces, il me fait des signes signifiant que cela ne suffira pas. Le dialogue est muet et comme en tension. Je tire un billet.

Il me demande de l'accompagner à la pharmacie pour payer les médicaments en direct car ce billet ne suffit pas... Je n'ai pas le temps. Je pose des questions sur sa vie, comment il en est arrivé là. Par bribes il me raconte une histoire douloureuse. L'histoire est plausible.... Mais il aurait pu l'inventer aussi.

Il s'agit d'une situation objectivement indécidable. Et puis vous l'ai-je dit ? je n'ai pas le temps d'en débattre ni de l'accompagner acheter le médicament.

Est-ce une escroquerie ? Que faire ?


Passer mon chemin car je ne sais pas quoi faire qu'en penser et en quoi cela me concerne ? Oui, je pouvais la faire avant, avant que le supplément d'âme ne m'est été donné grâce aux 12 étapes. Mais je ne peux plus plaider l'ignorance pour ne rien faire, passif.

Il m'a été donné la possibilité de choisir, d'exercer mon libre arbitre. Et puis d'assumer. Assumer le fait que dès le début j'aurai pu passer mon chemin... car dois-je le rappeler je n'avais pas le temps. J'avais d'autres priorités pour ce moment-là de ma vie.

Mon choix était là : passer mon chemin car ceci était une escroquerie ou alors payer, donner, plus que ce que j'aurai voulu.

Il avait besoin de quelques dizaines d'euros. il s'est mis à pleurer. Je ne sais pour vous, mais moi voir un homme SDF pleurer me plonge dans une profonde tristesse.

Je lui ai donné l'argent en lui disant que D... le garde. Il est entre les mains de sa PS et le mensonge est son affaire si mensonge il y a.

Pour ma part, j'ai fait confiance dans mon sixième sens. Ce Sixième sens dont parle le Big Book des AA en dixième étape. Et mon sixième sens me disait que cet homme était dans un sacré désarroi, lui et/ou ce bébé.

Par cette anecdote, je veux raconter une rencontre non programmée de celles qui font irruption sans que je le veuille et ouvre une faille dans une journée tout lisse. Je parle de ces failles qui font ressurgir une capacité d'empathie ,de soutien à l'autre quelqu'il soit , de l'exercice d'une certaine douceur qui n'est pas synonyme de faiblesse mais d'ouverture.

Je l'ai vu partir en m'interrogeant sur la possible connerie que j'ai faite.

J'avais choisi de vivre heureux plutôt que de chercher à avoir objectivement raison.

Et une bonne soirée à vous aussi,

uN pAsSant AnonYme

5 commentaires:

analanon a dit…

Cher Passant, je me reconnais bien dans ce témoignage, car il m'est arrivé de retourner trois fois de suite au distributeur de billets dans les mêmes circonstances.
J'ai une tête à me faire plumer et aussi je suis consentante.
Depuis je choisis d'éviter ces personnes la plupart du temps, en me disant (en leur disant) que d'autres leur donneront.
Mais tu sais, certains, c'est leur métier de mendier, il le font 8 heures par jour et 6 jours sur 7. Certains habitent non loin de chez moi, je les vois partir au travail.
La plupart ont un accent, ils s'habillent différemment, ne sont pas de chez nous.
Nous sommes tellement privilégiés d'être nés du bon côté du monde, alors ne nous culpabilisons pas de donner.
Et puis, oui, l'histoire est peut-être réelle, nous n'avons aucun moyen de le savoir !
Si tu as deux manteaux, en donner un à quelqu'un qui n'en a pas, ce n'est pas donner, c'est rendre.
Bonne journée,
Analanon

Un PaSsant AnonYme a dit…

merci pour ton temoignage Alanon,

J'ailme bien ce que tu dis sur "rendre" ... rendre son surplus c'est pas mal

un Passant anonYME

analanon a dit…

Eh bien figure toi qu'aujourd'hui quelqu'un a eu besoin de mon manteau (ce dernier a disparu).
Je pense que ma PS a de l'humour et peut-être me teste...
Amitiés

Gabrielle a dit…

Cette question me tracasse toujours à cause de mon sentiment permanent de culpabilité. Quand je donne, c'est à des sdf que je connais car je les croise tjrs au même endroit, on fini par se connaitre, et surtout les gens on besoin de reconnaissance, autant que d'argent. Et c'est tout, je refuse catégoriquement de donner parce qu'on me le demande (j'ai une tête à me faire plumer et c'est l'histoire de ma vie), je ne suis pas d'accord, et moi aussi j'ai des problèmes.
On peut aider différemment, en écoutant les gens, en faisant de l'associatif, faire partie d'une OMG par ex, et en prenant position pour une idée, une mesure que l'on jugera utile pour tous, etc.
Etre né du bon coté de la terre ne doit pas nous culpabiliser: est-on directement responsable de la faim dans le monde? Avons-nous ce pouvoir? Je ne crois pas.

Rester à l'écoute de soi et du monde qui nous entoure, voilà ce qu'on ne doit pas oublier pour aller à l'essentiel.

Perso, je me bagarre chaque jour du levé au coucher pour lutter contre ma codépendance, mes démons et enfer personnel. C'est pourquoi j'adopte une posture qui peut paraitre parfois un peu rigide.

analanon a dit…

Je trouve intéressant de pointer du doigt la culpabilité qui pousse à donner.
Les mendiants ont sûrement un rôle social pour soulager la culpabilité des gens.
Question à méditer...